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Les timbres : Infos et conseils philatéliques pour mener à bien votre collection

Dossier Juin 2007

Voir le Timbre numéro 2885, France, datant de 1994, en rapport avec ce dossier

Viaduc DE MARTIGUES (13)

Le Viaduc avait 20 ans….

«  Dans cette région, nous avons toujours eu un pont de retard  » , c’est sur ce ton que ce 23 juin 1972, le maire Paul Lombard ouvrait son allocution. On inaugurait enfin le Viaduc autoroutier. Le Préfet Laporte était présent. Mais Olivier Guichard, le ministre de l’Equipement avait capitulé devant les grévistes et manifestants qui n’auraient pas manqué de l’attendre. La Retraite à 60 ans et les augmentations de salaire, suscitaient d’importants mouvement sociaux.

Quel soulagement pour la population, qui, rue de la République ou rue Lamartine, voyait défiler début des années 70 (1970) jusqu’à 30000 véhicules par jours. Dix ans plus tôt, le fAmeux pont Levant avait remplacé le diabolique pont Tournant. Hélas, si ce dernier s’avérait plus fiable, il n’avait en rien réglé les bouchons, qui se formaient invariablement entre 7 heures et 9 heures le matin, entre 16h30 et 19 heures le soir, s’étendant depuis la Mède jusqu’à Fos-sur-Mer. Gérard Piot dans La Marseillaise du 8 février 1972 dressait ainsi le noir tableau de la situation. « Qui d’entre nous n’est pas arrivé en retard à son travail, n’a pas raté un rendez-vous important ou été dans l’impossibilité ne serait-ce qu’une fois d’aller chercher son enfant à la maternelle… Pour les travailleurs cette situation nerveusement éprouvante se traduit par une fatigue supplémentaire, par un rallongement de la journée de travail. Nous devenons irritables. Nos proches en subissent souvent les conséquences. Pour beaucoup d’élèves, cela se traduit par plus de deux heures de trajets en car, tous les jours. Les études s’en ressentent et plus que pour nous encore, leur santé physique et psychique est mise en péril. »

Milieu des années 60 (1960), la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer avait pris un essor considérable. Mais les moyens de communication étaient restés inexistants. Seule la mythique RN568 faisait office de liaison pour toute la région. Il avait fallu la pression des industriels pour que le gouvernement en grande hâte conçoive ce projet spectaculaire. Sur Place, la Municipalité essayait de trouver des solutions. Les plans de circulation se perfectionnaient, on traçait de nouvelles voies. Mais il fallait tout de même traverser Martigues. Six mois avant la fin de l’achèvement du Viaduc, l’exaspération était à son comble. Des pétitions avaient été lancées pour faire avancer plus rapidement la construction du pont et surtout de l’autoroute. Car ici cahcun savait que si le Viaduc allait résorber une grande partie du trafic dans la Venise provençale, les bouchonsse déPlaceraient cependant sur la Mède et Fos-sur-Mer. Pour autant les habitants ne baissaient pas les bras et proposaient eux aussi des solutions. On avait même envisagé la construction d’un tunnel.

Le 7 janvier 1972, dans la célèbre rubrique « Le coin du pont » du Provençal, un lecteur y allait de sa proposition : « Certes les parents d’élèves ne sont pas responsables des embouteillages de Martigues… Mais ils peuvent faire un petit effort pour les diminuer. Il serait judicieux que les parents s’abstiennent d’aller chercher leurs enfants au collège ou au lycée et leur fassent prendre les bus scolaires. Il rentreraient un peu plus vite chez eux. » De fait, l’affaire du Viaduc nourrissait quotidiennement la chronique locale.

Dans les années 50 (1950), si on se posait déjà la question des liaisons par dessus les canaux, on était sceptique quant à la réalisation d’un Viaduc qui éviterait Martigues. On craignait que les gens ne s’arrêtent plus dans la cité et qu’il s’en suive une perte d’activité. Pont Levant et Viaduc étaient alors en compétition. En 195, lorsque Francis Turcan avait pris en main les destinées de la municipalité, son choix était fait : ce serait les deux ponts. Cette décision mal perçue à l’époque, aura eu le mérite visionnaire de n’enterrer aucun des deux projets, qui de fait se sont avérés complémentaires. Le pont Levant sera d’abord élevé en remPlacement du pont Tournant.

39 mois après le début des travaux, le Viaduc était mis en Service. Une semaine auparavant, les Martégaux avaient pu le visiter à pied. Pour certains vieux habitants, voir leur ville de si haut fut un réel choc émotionnel. Pour la commune, une véritable délivrance.

T.D.B.




Nostalgie

Au voisinage des Salins, quelque soixante-dix ans avant que l’ouvrage que nous connaissons ne vienne s’inscrire dans ce paysage, il y avait… devinez quoi ? Il y avait, vous l’auriez parié, des vignes, des arbres fruitiers, des moutons et donc des bergères ! – des pique-niqueurs, des pique-niqueuses… Bref, par une once de Béton, pas l’ombre d’une ferraille. Au tout début du siècle, ceux qui venaient là, ignoraient tout, à la fois le blue-jeans, le coca cola et, bien entendu, les péripéties et les stress de la circulation autoMobile. Une autoMobile pas même encore inscrite au rang des convoitises. Les ponts de Martigues suffisaient amplement aux menus déPlacements de la vie quotidienne. Les pieds et les jambes rendaient encore à cette époque-là de bons et loyaux Services : un bon cheval – et même un mauvais – venait en renfort pour transporter par attelage les cargaisons trop importantes, et le tour était joué.

A chaque époque ses besoins, chaque époque se obligations et ses joies. Les nôtres ont abouti à ceci : où s’ébattent ces innocentes promeneuses en robes longues, quarante mille véhicules transitent aujourd’hui quotidiennement.


Trente-Neuf mois et quelques tonnes

Lourds, très lourds sont les matériaux constitutifs de ce pont si léger, si aérien et, au terme de sa construction (39 mois de chantier), c’est par centaines de milliers de tonnes que l’on dut compter.

Ainsi, les remblais nord et sud ont nécessité 790000 m3 de terre, tandis que 29500 m3 de Béton ont été coulés.

Quant au poids d’Acier, il est considérable aussi : 5200 tonnes dont plus de 3000 pour l’ouvrage central.

874 mètres séparent les deux butées du pont, et les béquilles de l’ouvrage central sont distantes l’une de l’autre de 210 mètres tandis que sa hauteur frise les 50 mètres.

Les deux parties latérales (34500 tonnes à elles deux) reposent sur 13 couples de Piles Béton. Huit de ces couples de Piles sont appuyés sur des semelles artificielles en Béton de 15 mètres de long et de 1,50 m d’épaisseur. La profondeur des vases a réclamé des fondations sur pieux verticaux. Cinq pieux forés de 1,50 m de diamètre chacun par Pile ! Multiplions : cela fait 50 pieux de ce gabarit en tout. Les plus profonds descendent jusqu’à 18,50 mètres dans le sol.

Quant aux fondations des béquilles centrales, elles sont constituées de massifs d’encrages de 22,60 mètres de long sur une largeur variant de 3 à 10 mètres. De formes trapézoïdales, ces massifs sont fondés à moins 15 mètres dans le sol.

Dernier chiffre, d’un autre ordre celui-là. Le trafic de l’A55 à cet endroit là. Celui-ci est aujourd’hui de 40000 véhicules/jour (1992). En faisant un compromis tenant compte de l’évolution du trafic, on peut dire que le Viaduc de Martigues a vu défiler sur sa chaussée, depuis son ouverture quelque 200 millions de véhicule (1992).


Un chantier hors du commun

Le Viaduc de Martigues franchit la passe de Caronte. Celle-ci relie l’étang de Berre à la mer Méditerranée. La passe de Caronte est l’endroit le moins large. Ceci a permis de construire le Viaduc avec facilité. Ne l’ayant pas fait là, il aurait fallu construire un tunnel sous l’étang. Cela serait revenu trop cher.

« Le Viaduc aura une hauteur de 45 mètres, ce qui permettra le passage des gros bateaux sans arrêter la circulation. Ce Viaduc servira à relier Marseille à la zone industrielle de Fos-sur-Mer, actuellement en cours de réalisation. » Ainsi débute le remarquable dossier qu’une élève de Martigues remit à son professeur un beau jour de 1970. Ce pont, motif à devoirs scolaires, était dans toutes les bouches, artisant tout à la fois curiosité, doutes et espérance, et faisant couler, là son poids d’encre, ici son poids de sueur.

Le chantier du Viaduc battait son plein, Martigues apercevait enfin le bout du tunnel. En 1972, le Viaduc serait enfin achevé. On n’y danserait pas et pour cause : il supporterait une autoroute, seule infrastructure capable de « digérer » le flot d’autoMobiles qui avait jusqu’alors rendu quasi cauchemardesque la perspective du moindre déPlacement dans la ville. « Atroce ! Pour aller de Ferrières à Joncquières, il fallait compter une heure ! » Jean-Pierre Bouchet, topographe, envoyé par la Compagnie Française d’Entreprises sur le chantier de Martigues était stupéfait. « Les conditions de circulation étaient telles qu’au Service topo nous avions acheté une barge. Tout simplement pour pouvoir assurer correctement nos tâches sur le chantier. Je me souviens aussi que pour le coulage du Béton – qui se faisait en continu – il avait fallu intégrer cet aspect pour la livraison du Béton liquide qui, comme on le devine, ne peut pas attendre. »

Quant à Georges Corbière, ingénieur responsable pour la D.D.E. du suivi du chantier, il avait bien vite capitulé et ne se déplaçait plus qu’en mobylette. Pourtant, ceux qui ont vécu ce chantier de A à Z, avec son cortège normal de moments difficiles, de tâches ingrates ou délicates, en gardent un souvenir inoubliable : on ne participe pas sans exaltation à de telles aventures.

« C’est un peu le chantier d’une vie. Les autres que j’ai eus par la suite m’ont parus plus fades » avoue Georges Corbière. « C’était un ouvrage particulièrement intéressant pArce que hors du commun » commente Jean-Pierre Bouchet. « L’association de deux matériaux – Acier et Béton – et donc de deux techniques, en faisant une réalisation unique en son genre. »

Gigantisme et démesuré d’une part, technicité sans faille, rigueur, vigilance et précision de l’autre… Voilà ce qui fait de tout chantier de cette envergure une tâche exaltante, un challenge dans lequel furent engagés quelques trois cents hommes. Il suffit de regarder le raccourci de trois ans de chantier dans le film que commanda la D.D.E. à l’époque pour imaginer, fut-ce faiblement, la satisfaction et la fierté de tous, à chaque étape franchie, à chaque fois que l’ingéniosité humaine se donnait en spectacle pour gagner. A cet égard, le chantier du Viaduc fut exemplaire.

Ancrer cet ouvrage dans les vases profondes de Caronte était déjà un premier défi que les études géologiques préalables, les engins techniques adéquats avaient permis de relever. Mais le plus dur restait à faire. Couler tout d’abord, en continu, vingt six Piles de Béton dont certaines atteindraient 42 mètres de hauteur : armer, couler et contraindre ensuite les travées des Tabliers nord et sud, c'est-à-dire « tricoter » ou « tisser » une pièce de 500 mètres au moyen de « fil » d’Acier dont la section allait jusqu’à 4 centimètres, ensevelir l’ensemble dans des milliers de mètres cubes de Béton, et tendre enfin les câbles de Précontrainte ; passer du haut d’une Pile sans en descendre pour prolonger le Tablier au moyen de ce dispositif spectaculaire qu’est le Cintre autolanceur, spécialement conçu et construit pour ce chantier là… on imagine sans peine la formidable tension qui devait animer les hommes au cours des manœuvres les plus complexes. Tension, suspens, fatigue, canicule et sueur en été, vertige du froid et du mistral en hiver, les acteurs de ce chantier n’ont certainement pas oublié la somme d’émotions vives et contradictoires à laquelle ils furent soumis.

Lorsqu’il fut question de poser le tablier central qui viendrait marier le métal au béton, l’aventure touchait à sa fin. Les bâtisseurs n’étaient cependant pas au bout de leur peine, les témoins pas au bout du spectacle. Trois fois cent mètres, trois fois sept cents tonnes, trois morceaux, usinés à Lauterbourg en Alsace, assemblés et soudés sur le quai Verminck : le tablier d’acier serait acheminé par barges en trois pièces sur le site, puis assemblé, hissé et raccordé aux deux tabliers béton. Presque inédite, la méthode d’élévation valait le détour. On vint y assister, parfois même de l’étranger. Un ascenseur à crémaillère actionné par quatre vérins de cinq cents tonnes chacun, tel était le dispositif. « A la fin du siècle dernier en Grande-Bretagne, un viaduc ferroviaire avait été levé ainsi, en un seul morceau, au moyen de vérins hydrauliques. Je savais cela ». Jean-Claude Foucriat, l’ingénieur concepteur du viaduc, se souvenait d’une visite faite des années auparavant à la section science et technologie du British Muséum. La sagacité de l’homme de l’art y avait trouvé de quoi se satisfaire et matière à réflexion : « Vous savez les technologies se sont perfectionnées mais les grands principes sont toujours les mêmes. Les grands ingénieurs des 16e et 17e les avaient déjà imaginés. » C’est ainsi que l’on dressa d’immenses tours-portiques. Première manœuvre : 90 minutes et l’immense ponton d’acier progressa de 96 cm, premier palier vers le ciel. Plus de quarante fois ouvriers et techniciens, reliés par téléphone de part et d’autre du vide central, actionnèrent les puissants vérins. Au terme d’une première manœuvre, la fracture d’un élément d’un outil d’élévation fit craindre le pire. Cet incident, survenu juste après que Monsieur le Préfet venu assisté aux opérations eut tourné les talons, se sut et n’échappa pas au mordant du Canard Enchaîné qui titra « Le pont rend son tablier devant Monsieur le Préfet ». En réalité, plus de peur que de mal. Et un léger contretemps au terme duquel le raccordement se fit haut la main. Manquaient les fameuses béquilles qui signent ce pont et lui confèrent une part de sa grâce. Acheminées par voie d’eau depuis Rouen, elles furent relevées par basculement rotatif, ajustées puis soudées. Le pont était terminé, restait à le tester. Une armada de poids lourds à plein chargement fut mobilisée tandis qu’une foule de techniciens effectuait l’ensemble des mesures et contrôles nécessaires. Au terme d’une expédition qui dut en émouvoir plus d’un, le pont, lui ne s’était pas ému. Il avait réussi son examen de passage.

« Fruit de conceptions hardies, de solutions ingénieuses et d’un dur labeur, le Viaduc de Martigues qui répond aux exigences de la fonction, démontre qu’il répond également aux canons de la beauté. » Tel est l’hommage mérité que rend à cet ouvrage le commentaire des « films du soleil ». Ajoutons à cela que le Viaduc de Martigues figure en bonne Place à l’article « Ponts » de l’Encyclopédia Universalis et qu’il fut l’objet de plusieurs distinctions. Entre autre celle décernée par la Convention Européenne des associations de la construction qui lui valut d’être le premier des ponts à béquilles à être primé.

M.C.

Le dossier ci dessus m'a été transmis par la mairie ou l'office de tourisme dans les années 1990/95. J'ai repris intégralement ce qui m'a été transmis, issu de la DDE des Bouches-du-Rhône.



Date de denrière modification su site : Vendredi 30 Octobre 2015 à 10:32
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