A l’origine tout ouvrage se réduit à un concept. Pour évoquer le concept du
Viaduc autoroutier, nous avons retrouvé celui qui l'a imaginé.
Jean-Claude Foucriat était à l'époque chef du bureau d'études "Ponts et ouvrages spéciaux" de la Compagnie française d'entreprises métalliques, elle-même filiale de la Compagnie française d'entreprises qui remporta le concours. Son projet : un
Viaduc central à béquilles en
Acier, raccordé à deux
Viaducs d'accès en
Béton. "Ce qui m'avait conduit à cette solution, explique Jean-Claude Foucriat, c'était l'ensemble des contraintes qui étaient à considérer. Tout d'abord la contrainte de gabarit ; la hauteur libre et la largeur nécessaire à la navigation. Il y avait ensuite la contrainte liée au terrain. Je savais que si on posait le pied sur le sol, on s'y enfonçait. En outre, les fondations devaient aussi être capables de résister à d'éventuels chocs de navires. Elles y résisteraient d'autant plus naturellement qu'elles seraient plus à l'intérieur des terres. Troisième contrainte, celle du risque sismique : nous avons en effet pris la précaution de concevoir un ouvrage capable de subir un tremblement de terre d’une certaine intensité. Ces obligations étant asse: fortes. La solution, d’un pont à béquilles convenait bien." Un
Type de pont en vogue à l'époque, qui plaisait beaucoup et qui, disons-le s'agissant de notre
Viaduc, a plu de plus en plus.
"Les ingénieurs de ma génération, poursuit Jean-Claude Foucriat, avaient été frappés par un ouvrage de ce
Type construit au Luxembourg dix ans auparavant. Il s'agit du pont "Grande Duchesse Charlotte". On peut dire que ce pont-là est un peu le modèle de celui de Martigues. A la différence que ses béquilles sont dédoublées. Ici. en effet, le pont m
Arche seulement "sur deux jambes". Le franchissement du chenal étant en biais, un ouvrage à quatre béquilles eut réclamé des fondations beaucoup plus espacées de part et d'autre du chenal : la portée de l'ouvrage s'en serait trouvée augmentée. Alors que ces béquilles en "queue de billard" limitaient au minimum la distance entre les fondations. Ainsi, ce choix, qui était sous-tendu par des considérations économiques se trouvait entièrement légitimé par des considérations d'ordre
Mécaniques.
A ce sujet, il est amusant de noter que, de ces principes-mêmes, qui confèrent à l'ouvrage sa résistance et sa stabilité, résultent aussi, paradoxalement. son apparente fragilité, sa finesse et son incontestable élégance.
C'est sans doute ce qui fit écrire au professeur Léonardt de l'Université de Stuttgart dans une recherche consacrée à l'esthétique des ouvrages d'art : "Celui qui n 'est pas ingénieur reste stupéfait et ne comprend pas comment la stabilité de cet ouvrage est assurée.
Qu'il s'agisse de la conception du
Tablier (en
Caisson), du dispositif de fixation de ce dernier aux
Piles, de la solidarité
Piles/béquilles. du procédé de jonction métal/
Béton, ou encore du système d'
Encorbellements radicalement nouveau à l'époque. (1) Le
Viaduc de Martigues procède d'un ensemble d'options qui en font un ouvrage totalement original. Voire insolite. Retenons à titre d'exemple, l'hypothèse (plausible) d'un chargement unilatéral intense, donnée majeure lors de la conception. Ainsi, dans l'éventualité d'un accident bloquant les véhicules sur le pont dans un sens, et fermant l’accès à tout véhicule dans l'autre sens, le pont jouerait le jeu : celui de la souplesse, celui que joue une bonne musculature s'adaptant à un effort soudain.