Les automobilistes qui on été contraints de franchir chaque jour le Pont de Recouvrance pouvaient, aux heures de pointe se plaindre de cet étranglement. Les jours de pluie, ce passage se révèle pénible pour les piétons qui ne bénéficient d'aucun abri. Tous ces inconvénients ne sont guère négligeables, pourtant ils paraissent bien minces comparés aux époques "sans pont" qui vont vous être présentées ci dessous.
Le dimanche 23 juin 1861 fut une journée mémorable pour la population de la ville de Brest. On inaugurait un pont
Tournant qui réunissait le centre de la ville au quartier de Recouvrance. Pendant des siècles, l'agglomération urbaine s'était trouvée coupée en deux par la rivière Penfeld ; le passage de, l'une à l'autre de ses rives escarpées se faisait dans de frêles emb
Arcations.
Le transport par bateaux était lent, pénible et dangereux. En 1689, à la suite d'un grave acciden toù périrent plus de trente personnes, un projet de pont
Flottant fut établi ; mais le ministre Seignelay en estima le devis trop onéreux et ordonna d'étudier l'installation d'un bac déhalé par un câble tendu entre les deux rives. Cette seconde suggestion ne fut pas retenue, pas plus que celles qui lui succédèrent en 1765 et 1831. Et ce n'est qu'en 1836, à la suite d'une pétition des habitants de Recouvrance, que le Ministre de la Marine invita le Préfet Maritime à faire étudier un véritable pont.
Toute une
Série de nouveaux plans, très divers virent le jour dont :
- les ponts
Flottants (1838 et 184) de l'infatigable chercheur Pierre Marie Touboulic (ces deux projets, en couleurs, et de sa propre main, figurent aux
Archives du port) ;
- et le projet Trictschler qui présenta un projet de pont
Suspendu comprenant deux
Viaducs d'accès, réunis par un pont porté par une courbe de suspension, en
Fonte.
Aucune de ces propositions ne fut suivie d'éxécution mais l'idée du pont de Brest devait poursuivre son chemin.
Finalement après de multiples discussions, le projet de MM. Cadiat et Ourdy fut retenu. Est-ce l'audace inouïe pour l'époque d'une telle construction et/ou l'influence de l'Empeureur qui avait toujours donné à la ville de Brest des marques de sympathie ?
Il s'agissait d'un pont
Tournant dont les deux volées métalliques de 750 tonnes pivotaient au sommet de deux tours en
Maçonnerie implantées sur les quais de la Penfeld ; en porte à faux de 58,50 m, ces volées étaient équilibrées par une culasse lestée de 28.50 m de longueur. La portée du pont était de 117 mètres ; son tirant d'air, sous les extrémités amincies des volées, était de 21,70 m au-dessus du niveau des hautes mers moyennes de vive eau. Pour l'ouverture du pont, les volées pouvaient tourner sur une couronne de galets en,
Fonte ; leur rotation était commandée par des cabestans à bras.
En 1856, peu après que le vice-amiral Gueydon, préfet maritime, eut fait réaliser clans l'arsenal le pont
Flottant que réclamait déjà en 1689 le Maréchal d'Estrées, le pont
Tournant était commencé. Ses travaux devaient se terminer cinq ans plus tard. Par recon
Naissance pour l'Empereur l'ouvrage fut d'abord appelé « Pont Impérial », et ce n'est qu'après la guerre de 1870-1871 qu'il devint le « Pont National ».
Cependant, dans la conversation courante des brestois, on disait plus simplement « Le Grand Pont », tandis que son auxiliaire
Flottant devenait modestement « Le Petit Pont ».
Pendant plus de 80 années, ces deux ponts conjugués remplirent leur office à la satisfaction générale ; et c'était plaisir de voir que le Grand Pont était si bien équilibré qu'il suffisait de quatre solides D.P. (les marins de Direction du Port) pour manoeuvrer, à bras, chacune de ses lourdes volées.
Mais la guerre vint et le Grand Pont fut détruit en 1944, et pendant de nombreuses années la circulation d'une rive à l'autre ne fut possible que pour les piétons, à l'aide du pont
Flottant.
Lors de la reconstruction de Brest, plusieurs projets furent envisagés pour l'édification d'un nouvel ouvrage auquel les progrès techniques accomplis dans ce domaine depuis un siècle devaient permettre des performances très supérieures à celles de l'ancien.
La première idée qui vint à l'esprit fut de construire un nouveau pont
Tournant, basé sur le même principe, mais allégé et, comme il était logique, à commande électrique.
Puis fut examinée la solution d'un pont coulissant dont les deux culasses seraient venues se loger dans des tunnels pour dégager une passe de cinquante mètres au milieu de la Penfeld. Il fut également question d'un pont basculant du
Type Sherzer, à deux volées à secteurs
Roulants.
La solution finalement adoptée fut celle du pont
Levant.
Lors de la construction de cette ceuvre ultra-moderne, l'entreprise chargée de l'édification des quatre énormes piliers dont les pieds sont immergés dans la Penfeld, éprouva de grandes difficultés pour atteindre le roc, et, ce faisant, rencontra des épaves, dont la coque envasée d'une barge du X Ve siècle, qu'il fallut renflouer.
Le pont a été inauguré
Officiellement le s
Amedi 17 juillet 1954.
C'est une réalisation urbaine dont la ville de Brest a été le maître d'oeuvre et à laquelle elle a donné le nom de « Pont de Recouvrance ». La route nationale n°12 a été déviée conformément au nouveau plan d'aménagement et passe maintenant sur le pont fixe de l'Harteloire, situé à un kilomètre environ en amont et inauguré en 1951.
Je tiens à remercier les
Archives municipales de la ville de Brest qui m'ont fourni (en 1993) un article du Courrier du Léon du 21/03/1992, un article de la Revue Télé
Mécanique, un extrait de "La Vie à Brest" (Foucher/Thomas), et un extrait de "Brest et ses cartes postales" (Foucher/Thomas).